Puisqu'en France le sujet est tabou, donnons ici les témoignages importants de personnalités incontestables sur le premier grand génocide décidé et planifié en temps de paix du XXième siècle : la liquidation de million de paysans en Ukraine en 32-33. Pour qu'on ne puisse pas dire : on ne savait pas !
Extraits de la lettre adressée par P. Blonski au camarade Kantorovitch, Commissaire du peuple à la Santé de la RSS d’Ukraine
« En tant que médecin, je connais bien la situation dans le district de Zvenigorod et les districts avoisinants. Quant à celle qui règne ailleurs, j’en entends longuement parler par des témoins. En bref, la situation actuelle est proprement épouvantable. La pauvreté est incroyable, la famine généralisée, la mortalité massive. Près de 30 % de la population est amaigrie ou gonflée. La natalité est réduite à néant. Le cannibalisme, la nécrophagie sont devenus des phénomènes courants. On ne voit plus dans les villages de chiens ou de chats - tous ont été mangés. La criminalité a pris des proportions incroyables. La faim conduit les gens à commettre des crimes inimaginables il y a encore peu de temps. Je ne parle évidemment pas du fameux « vol des épis ». Tous (et pas seulement les paysans) sont devenus des voleurs par nécessité, ou plus exactement à cause de la faim. La mendicité est générale. Un nombre incroyable de gens sont devenus des « spéculateurs » ou des « gens vivant de l’air ». Les arrestations sont légion. On manque de prisons. À Zvenigorodka, on vient d’ouvrir ces jours-ci la vieille prison, qui ne fonctionnait plus depuis huit ans. Les tribunaux condamnent à la pelle. Un grand nombre de gens arrêtés meurent de mauvais traitements au poste de police. Au cours de la seule année 1932, plus de 10 000 personnes du district ont fui vers diverses régions de l’URSS. Il y a énormément de maisons et d’exploitations vides ; dans les rues errent des gens amaigris ou gonflés. En un mot, la situation est pire qu’après une invasion ennemie, un siège, une catastrophe naturelle.
On a fait quelque chose pour lutter contre la famine l’an dernier, mais ce que l’on faisait, c’était uniquement par « voie non officielle ». On ne pouvait pas parler de la famine, c’était « inconvenant ». À cause de cette « inconvenance », fort peu a été fait. Cette année aussi (au moins jusqu’au début du mois de mars), parler de famine était pratiquement « contre-révolutionnaire ».
Les organisations locales (de district et de région) ne peuvent s’en sortir, dans la lutte contre la famine, sans un soutien massif du Centre. L’insuffisance notoire de l’aide alimentaire, le retard avec lequel elle parvient ici constituent autant d’obstacles à une intervention efficace. En attendant, le silo de Zvenigorodka regorge de céréales, les moulins marchent à plein régime. L’usine de beurre continue de tourner. De même que la raffinerie de sucre à 5 km.
Les responsables locaux ont une « théorie » politique néfaste, selon laquelle les affamés sont eux-mêmes responsables de la famine. Ils ne voulaient pas travailler - bon, qu’ils crèvent, on ne les regrettera pas. Avec une « théorie » pareille, il n’est pas étonnant que la « lutte contre la famine » donne des résultats aussi faibles. Cette « théorie » est d’autant plus étonnante dans la bouche de responsables soviétiques qu’elle ne fait que reprendre ce que l’on disait de tout temps, à savoir que celui qui est pauvre ou celui qui a faim est le premier responsable de la situation dans laquelle il se trouve. Or, on sait bien qu’un grand nombre de kolkhoziens ayant accompli de nombreuses journées-travail sont touchés eux aussi. Cette année, des kolkhoziens de kolkhozes ayant bien rempli leur plan sont affamés. Comment expliquer que tous ces « fainéants » sont prêts à partir travailler n’importe où, dans des usines, sur des chantiers, des sovkhozes, des mines, à aller jusqu’à Sakhaline, Batoum, Leningrad ? N’est-ce pas étrange que nos « théoriciens » ne se sont pas posé la question de savoir pourquoi ces gens qui travaillaient si bien la terre ont cessé de la travailler, ne veulent plus la travailler ? Qu’est ce qui a tué en eux le désir de travailler ? Qu’est ce qui les détourne du travail ?
Il y a une attitude impitoyable d’exploitation pure envers les affamés. On les considère non pas comme des gens dans le malheur, mais comme une force de travail qu’il s’agit d’exploiter. On ne lutte pas contre ce fléau qu’est la famine, on ne fait d’effort que pour remettre en état de marche une force de travail. Naturellement, de ce point de vue, un cheval vaut bien plus qu’un homme. Pour la perte d’un cheval on punit, pour la mort d’un nombre incroyable d’êtres humains, c’est la plus totale impunité.
P. Blonski
Source : TsA FSB, 2/11/56/203-205
Le témoignage de Vassili Grosmann
"Je ne veux pas m'en souvenir. C'est trop terrible. Mais je ne peux pas oublier. Cela chemine en moi et même lorsque la blessure s'apaise elle est toujours là. Une pièce d'acier dans mon coeur, comme un morceau de shrapnell. Une blessure dont on ne guérit pas.
J'étais adulte quand c'est arrivé. Non il n'y a pas eu de famine pendant la campagne de liquidation des koulaks. Seuls les chevaux moururent. La famine vînt en 1932, la seconde année de l'opération. Ainsi au début de l'année 1930, nous entreprîmes de liquider les familles de koulaks. Le sommet de cette action vint en février et mars. On les a expulsé de leur maison et de leur région, si bien que quand le moment vint de semer, il n'y aurait plus aucun koulak pour gêner. Une nouvelle vie pourrait commencer. Tout le monde le répétait : ce serait le grand printemps des fermes collectives.
Il est vrai que notre nouvelle vie commença sans les koulaks. Les paysans furent forcés de s'enrôler dans les fermes collectives. Des réunions se tenaient du matin au soir. Les cris et les injures fusaient. Certains criaient : nous ne viendrons pas. Et, fous que nous étions, nous pensions qu'ils ne pouvaient pas avoir plus tort, car rien n'était pire que l'état de Koulak. Comme nous nous trompions. La hache s'abattit sur eux, petits ou grands, là où il se trouvait.
Le temps de l'exécution par la famine était arrivé.
A cette époque je ne lavais plus les parquets mais était employé comme comptable. En temps qu'activiste du parti je fus envoyé en Ukraine pour renforcer une exploitation agricole collective. On nous expliqua que l'instinct de propriétaire en Ukraine était bien plus fort qu'en Russie. Et que la collectivisation marchait vraiment moins bien là bas.
Moscou avait décrété des quotas de livraison par régions et celles-ci les avaient à leur tour répartis par districts. Les réquisitions demandées au village où j'étais assigné n'auraient pas pu être satisfaites en dix ans ! Au conseil municipal même ceux qui ne buvaient pas se saoulèrent par terreur. Evidemment ces demandes ne pouvaient pas être satisfaites. Du fait de la dékoulakisation, on avait emblavé moins de parcelles et la productivité de ces parcelles avait baissé. Dans ces conditions d'où pourrait bien venir le flot de blé dont on avait promis que les fermes collectives seraient la source ?
On conclut en haut lieu que si les promesses n'étaient pas tenues c'étaient la faute des Koulaks qui cachaient le blé. Les Koulaks avaient été liquidés mais pas l'esprit Koulak. Ces ukrainiens étaient décidemment des propriétaires dans l'âme.
Qui a signé le décret qui allait imposé le crime de masse ? Car le décret était bien clair : les paysans de l'Ukraine, du Don et du Kouban devait mourir de faim. Y compris leurs enfants. Les ordres étaient de confisquer toutes les semences. Les caves furent retournées, les plafonds fouillés avec minutie. Les grains n'auraient pas été cherchés avec plus d'attention s'il s'était agi de bombes ou de mitrailleuses. La terre fut partout retournée, les jardins potagers entièrement fouillés. De temps à autre on trouvait du grain qui était alors entassé sans soin, entourés d'un cordon de soldats. L'hiver venu la récolte était détrempée et fermentait. Le gouvernement n'avait aucune bâche pour protéger les grains.
Les pères et les mères voulait sauvegarder de quoi éviter que leur famille ne meure. On leur répondait : "vous haïssez la patrie du socialisme. Vous voulez faire échouer le plan quinquennal. Vous êtes des parasites, des pro koulaks, des rats". Tout fut confisqué. La terreur du lendemain s'installa.
Les mères regardèrent leurs enfants et hurlèrent de peur. Elles criaient comme si un serpent s'était faufilé dans leur maison. Ce serpent s'appelait : la famine qui annonce la mort. Pas un seul grain ne leur fut donné par le "gouvernement des ouvriers et paysans". On bloqua les routes avec des pelotons de miliciens, ou d'agents de la NKVD. L'armée vin en renfort. Les gares de chemins de fer furent gardées. Pas un carrefour ne fut laissé libre. Pas de pain pour vous, messieurs les affameurs !
Les enfants de paysans dans les villages ne reçurent pas un grain. C'est comme cela, exactement comme cela, que les nazis ont enfourné les enfants juifs dans les chambres à gaz : "Vous n'avez pas le droit de vivre, tas de juifs".
Et il fut impossible d'obtenir la moindre compréhension, la moindre compassion. Car ces enfants après tout étaient des enfants soviétiques et ceux qui les affamaient à mort étaient leurs frères soviétiques.
Les villages furent fauchés une à un : d'abord les enfants, puis les vieux, puis la population dans la force de l'âge. Au début on enterra les morts. Bientôt on ne le put plus. Les morts gisaient là où ils étaient tombés, dans les cours de ferme ou dans la ferme elle même. Le silence s'installa. Le village était mort.
Qui est mort en dernier ? Je ne le sais pas. Nous, les administratifs, avions été renvoyés en ville.
Alors qu'ils leur restait un peu de force, les survivants allaient le long des voies de chemins de fer. Ils élevaient leurs enfants mourants vers les fenêtres et criaient : du pain, du pain. parfois on leur jetait quelques quignons. Ils se précipitaient alors sur les miettes, au milieu des tourbillons de poussière levés par le passage du train dont le grondement s'effaçait dans le lointain.
Bientôt ordres furent donnés de fermer les fenêtres et de tirer les rideaux. Il fut interdit de regarder dehors par les fenêtres.
On renforça les gardes mais partout les paysans fuyaient vers les villes. Ils rampaient partout, dans les marais, les bois, les espaces inhabités pour contournés les points de contrôle. Partout ils rampaient vers Kiev.
Quand le village demeura silencieux. On envoya la troupe faire les semailles. Elle était cantonnée dans des tentes à l'extérieur avec interdiction d'entrer dans le village. On allégua les risques d'épidémie. La troupe ne cessa de se plaindre de l'odeur pestilentielle qui venait du village. La troupe fit aussi les moissons.
L'année suivante des kolkhoziens d'Orel, en Russie, furent envoyés au village, contents de se retrouver dans ces terres de tchernoziom si riches, si fertiles, eux qui étaient habitués à leurs terres ingrates."
Vasily Grossman, Forever Flowing, New York : Harper & Row, 1972
Le témoignage de Lev Kopelev
"En décembre 1932 le district de Myrhorod n'avait pas atteint ses objectifs de fourniture de grains. Le comité de l'oblast avait fait venir une délégation de journalistes, représentants deux journaux : "Le registre socialiste de Kharkov" et "le travailleur de locomotive", dans les villages en retard de livraison. Nous étions quatre : deux types de Myrfhorod, un typographe et un imprimeur, et deux de Kharkov, Volodya, mon assistant, et moi.
La mesure la plus extrême dans les lieux de résistance les plus durs était "la confiscation sans discussion". Des kolkhoziens et des membres de la municipalité, dirigés par Vaschenko lui même, fouillaient les masures, les granges et les cours et emportaient tout : les réserves de graines, la vache, le cheval, les cochons. Nous fûmes présents, Volodya et moi, lors de plusieurs de ces raids dévastateurs. Nous y primes même part : nous avions la pmission de confiance de tenir l'inventaire des produits saisis. Les femmes hurlaient à la mort de façon hystérique en s'agrippant aux sacs. J'entendais les enfants dont les cris faisaient écho à ceux de leurs mères et qui toussaient et s'étranglaient de sanglots. Et je contemplais le visage des hommes : effrayés, implorants, haineux, dont une partie, saisie de désespoir, sombrait dans une dépression passive et une autre explosait de jurons avec férocité.
Je me convainquais moi même de ne pas sombrer dans des sentiments de compassion débilitants. Nous accouchions d'une nécessité historique. Nous faisions notre devoir révolutionnaire. Nous obtenions les grains nécessaires au succès du plan quinquennal et de la patrie socialiste. Une sorte de rationalisation fanatique me permettait de surmonter mes doutes, les élans de ma conscience ou mes simples sentiments de sympathie, de pitié et de honte. Ce fanatisme n'était pas seulement nourri des écrits des journaux ou des textes de la littérature. Bien plus forte était l'influence de ces personnes qui à mes yeux personnalisaient la justice et la vérité. Tous ces gens nous disaient qu'il fallait serrer les dents, fermer notre coeur, et obéir coute que coûte aux ordres du Parti et de la direction soviétique.
Je n'ai jamais pu oublier l'hiver des dernières réquisitions, les semaines de la grande famine. J'en ai toujours parlé. Mais je n'ai pu écrire sur le sujets que bien des années plus tard. Et au fur et à mesure que j'écrivais mes brouillons et les soumettaient à mes amis, mille questions se soulevaient. Des questions pour l'histoire, pour le jour présent, ou simplement pour moi.
Comment tout cela avait-il été possible ? Qui était responsable de la famine qui avait fait tant de millions de victimes ? Par quelle diablerie avais-je pu participer à tout cela ?
Le 27 décembre 1932 le Comité Central instituait les passeports intérieurs. Ils étaient destinés aux citadins afin d'aider "au comptage de la population, d'éliminer les populations réfugiées en ville abusivement et de se saisir des éléments koulaks criminels". En fait ces passeports intérieurs créait les conditions administratives et juridiques pour établir un nouveau servage et jeter les fondations d'un totalitarisme d'état comme on n'en avait jamais vu.
Les "éléments" Koulaks s'avérèrent n'être que des paysans ayant quitté leur village sans autorisation explicite de la part des autorités locales. Le passeport intérieur revenait à la législation abolie en 1861 qui liait le serfs à la terre.
Je tombais malade en février 1933. Mon père arriva après une tournée d'inspection à travers les provinces pour préparer la campagne de récolte des betteraves à sucre. Il s'assit, les traits crispés, le visage sombre, les yeux étincelants, comme s'il avait une crise de malaria. Mais il n'était pas émacié. On ne devient pas maigre quand on travaille pour les raffineries de sucre. Père était en colère et me le montra aussitôt : "tout est fait exprès ! Vous comprenez ? Plus aucun grain dans les villages. Je ne parle pas des coopératives centrales des travailleurs des villes. Les paysans sont en train de mourir de faim. Je ne parle pas des handicapés, des vagabonds ou des chômeurs américains. Mais des paysans Ukrainiens qui meurent faute de grain. Et mon cher fils a aidé à l'emporter ! ""
Lev Kopelev, The Education of a True Believer. New York : Harper & Row, 1980. (Chapter IX "The Last Grain Collections")
Le témoignage d'Arthur Koestler.
"Voyager dans la campagne était une tragique aventure ; on voyait les paysans mendier le long des gares, les mains et les pieds enflés. ; les femmes élevaient jusqu'aux fenêtres des wagons d'affreux bébés à la tête énorme au ventre gonflé aux membres décharnés. Le spectacle des gares qui se renouvela tout au long du voyage me donna une impression de désastre mais aucune idée de son étendue.
Mes compagnons de voyage russes prirent la peine de m'expliquer que ces bandes lamentables étaient des koulaks, riches paysans qui avaient résisté à la collectivisation du pays et qu'il avait fallu nécessairement expulser de leur ferme. Quand je repense aujourd'hui à ces choses je suis frappé du fait qu'alors nous savions très bien à quoi nous en tenir. Nous connaissions la détresse du pays. Nous pensions que le socialisme triompherait et que cette détresse n'était que passagère. Nous avions ce qui se passait au pays de la révolution mais nous défendions quand même le pays de la révolution.
Mon idée de la Russie avait été formée toute entière par la propagande soviétique. C'était l'image d'une super Amérique engagée dans l'entreprise la plus gigantesque de l'histoire, bourdonnante d'activité, d'efficacité, d'enthousiasme. La devise du premier plan quinquennal avait été de rattraper et de dépasser l'Occident. Cette tâche avait accomplie en quatre ans au lieu de cinq. Tous les matins quand je lisais le Kommunist de Kharkov j'y trouvais les statistiques des plans réalisés et dépassés, le compte rendu des compétitions entre les brigades de choc, les nominations à l'ordre du drapeau rouge, les nouveaux travaux géants dans l'Oural, les photographies représentant soit des jeunes gens qui riaient toujours et qui portaient toujours un drapeau soit de pittoresques vieillards qui souriaient toujours et apprenaient toujours l'alphabet.
Pas un mot de la famine locale, des épidémies, de l'extinction de villages entiers. Cela donnait un sentiment d'irréalité, une impression de rêve ; le journal semblait parler d'un tout autre pays, sans aucun rapport avec la vie quotidienne et c'était aussi vrai de la radio. La conséquence c'est que la majorité des gens à Moscou n'avait pas la moindre idée de ce qui se passait à Kharkov". "La nécessité du mensonge et de la calomnie ; de l'intimidation des masses pour les sauver de leur propre myopie ; de la liquidation des groupes d'opposition des classes hostiles ; du sacrifice d'une génération entière au bénéfice de la suivante, tout cela peut paraître monstrueux et pourtant je l'acceptais sans difficulté suivant la voie toute tracée de la foi".
Arthur Koestler - Hiéroglyphes.
"Chez la plupart des intellectuels communistes il y a une scission de la conscience" notera Margarete Buber-Neumann.
Le drame c'est que cette scission de la conscience perdure en France en 2010, 80 ans plus tard et concerne l'ensemble des intellectuels français ou presque.
Les faits sont toujours occultés, niés, minimisés. Le génocide ukrainien est expulsé du domaine de la réflexion publique et des médias. On voit pourquoi en lisant ces témoignages :
- Il ne s'agit pas de communisme ni de stalinisme: on a fait mourir des millions d'hommes, de femmes et d'enfants au nom du socialisme en train de se réaliser. On admet que le socialisme détient un droit de tuer incorporé dans la doctrine. les victimes ne peuvent être innocentes. Ce sont des ennemis du socialisme. Les classes hostiles peuvent être détruites par le massacre, même dans les formes les plus abjectes.
- la sensiblerie petite bourgeoise est telle qu'il est légitime de mentir, tromper, combattre la vérité, pour éviter l'effet sur les masses impressionnables.
On n'en toujours là : " Cachez ce génocide que nous ne saurions voir". Et qui donnerait des arguments contre nous qui sommes le Bien.
"Nous les socialistes nous sommes les bons ; nous sommes gentils. Mais nous savons bien que si on devait traiter ce génocide exécuté en temps de paix selon une planification rigoureuse et mené jusqu'à son terme sans aucune pitié comme on traite politiquement et médiatiquement la Shoah, alors nous serions, nous et nos doctrines, ravalés au statut de déchet de l'humanité comme de vulgaires hitlériens racistes et antisémites, alors qu'on tient tous les carrefours des medias, de la culture et de l'université".
Impensable !
Alors la France, "pays des droits de l'homme", n'a pas reconnu le génocide ukrainien.
Alors les médias français n'en parle absolument jamais.
Alors les programmes scolaires sont aux mieux vierges de toute information sérieuse ou pratique une désinformation criminelle. Pourquoi se gêner ?
Les politiques et les intellectuels français ont accepté de se coiffer collectivement d'une chape de plomb sans même avoir la justification de la terreur stalinienne ou de l'illusion que le socialisme est un espoir sérieux pour l'humanité depuis la chute généralisée des systèmes "vraiment" socialistes. L'auto censure y est aussi totale que spontanée : la crainte de se faire traiter de fascistes et d'être exclu du camp des bons est trop forte. Alors le devoir de mémoire n'existe plus. Alors le besoin de justice inaliénable et perpétuel des victimes n'existe plus non plus.
Par pitié ne parlez pas de la loi des cinq épis du 7 août 32 qui a permis de confisquer par la violence la nourriture de millions de paysans, les condamnant à une mort abjecte et inévitable, une des dates les plus horribles de toute l'histoire de l'humanité. Une de celles qui devraient gravées dans la conscience de l'humanité, comme témoignage de ce qui ne doit jamais plus arriver.
Par pitié ne parlez pas de la résolution du 14 décembre 32 du CCUS qui appelait "à l'extermination des saboteurs de la collecte". L'extermination ! On ne cachait pas l'objectif. Ici, ce n'est pas comme pour la Shoah où on cherche désespéremment les ordres écrits de la Solution finale, et où on doit déduire la volonté d'exterminer des résultats de la politique menée par les Nazis. Pour le génocide ukrainiens on a tout : les ordres et les résultats.
Par pitié ne parlez pas de la loi sur le passeport intérieur du 27 décembre 1932 et de la circulaire de Staline et Molotov du 22 janvier 33 qui ont bloqué les victimes sacrifiés dans leur village jusqu'à ce que mort de faim s'en suive.
12000 villages exterminés en Ukraine, entourés par 120.000 militaires de la Milice et 40.000 activistes communistes mobilisés à cette fin. Entre 3.5 et 4.5 millions de morts directes en deux ans. Et le remplacement des morts dès 1934 par des millions de Russes afin de noyer le nationalisme petit bourgeois des Ukrainiens et relever l'armée pour les semailles et les récoltes !
Il n'y a pas le moindre doute sur le caractère intentionnel du génocide : on a les textes, les ordres, l'organisation, les résultats. Et tous les témoignages. Un vrai génocide modèle qui sera répliqué en Corée, au Cambodge, en Chine, en Erythrée. Avec à nouveau des millions et des millions de morts. Le concepteur de la notion de génocide, Raphael Lemkin, ne s'y est pas trompé : il a lui même spécifiquement écrit qu'il s'agissait d'un génocide manifeste.
Mais non. Il n'y a pas de génocide. Circulez, il n'y a rien à voir.
Il ne faut surtout pas contempler et condamner la sinistre matrice, surtout pas en parler, surtout pas en tirer la leçon.
En France ! Au pays qui se flatte que Voltaire ait soutenu Calas injustement condamné. Un innocent et voilà nos intellectuels engagés. Des millions de morts avec le label "assassinés pour l'établissement sur terre du socialisme". Et voilà nos intellectuels désengagés, accroupis dans la fange du silence, de l'autocensure et de la falsification.
Holodomor tend un miroir à la France de 2010. Le spectacle n'est pas ragoutant.