Réponse à l'article choquant de Nicolas Weill dans le monde du 16 août 2008

A Nicolas Weill – weill@lemonde.fr – Article disponible à l'adresse : http://www.lemonde.fr/archives/article/2008/08/15/soljenitsyne-un-heros-inquietant-par-nicolas-weill_1084097_0.html

Lundi 18 août 2008 Lettre ouverte.

Monsieur,

Votre article dans le monde du 16 Août 2008, intitulé « Soljenitsyne un « héros inquiétant » », ne peut que susciter des réactions attristées voire indignées. La Shoah, 3 millions de victimes comptées, 5 millions quasi certaines, 6 millions plus que probables, a fixé des règles en matière de génocide, grâce à l'action persévérante de quelques uns et la prise de conscience générale :

- Devoir de mémoire pour les victimes.

- Devoir de vérité pour les faits qui ne doivent pas être occultés, niés ou minimisés.

- Devoir imprescriptible de sanction contre les auteurs.

- Devoir de dénonciation des idéologies et des attitudes qui ont créé les conditions du génocide, sans tolérer les exonérations faciles.

- Devoir de vigilance contre ceux qui tentent de justifier l'intolérable et qui veulent éventuellement remettre au goût du jour des pensées mortifères.

- Devoir de repentance pour les institutions ayant favorisé d'une façon quelconque et aussi peu que ce soit l'occurrence des massacres.

 

Bien sûr, il faut se garder d'aller trop loin et des dérives sont possibles :

- Dérive mercantile, l'exploitation financière du drame et de l'émotion l'emportant sur les devoirs de la mémoire.

- Dérive communautariste, les morts passés servant à donner des avantages aux vivants d'aujourd'hui contre des adversaires de toujours.

- Dérive politique, les souffrances subies servant à justifier des violences infligées ici et maintenant à d'autres.

- Dérive idéologique, limitant la liberté de pensée et générant une censure sur le travail des historiens.

- Dérive religieuse, la condamnation tournant à la malédiction et la culpabilisation de collectivités entières.

Mais tout le monde admettra qu'il y a une « jurisprudence » indispensable et légitime du traitement des génocides sur l'exemple de la Shoah. C'est très bien ainsi. Elle doit s'appliquer naturellement à tous les génocides et le TPI nous rappelle que c'est le cas pour ceux perpétrés à Srebrenica ou au Rwanda. Le Grand Génocide Socialiste, 100 millions de victimes comptées, 130 millions quasi certaines et 150 millions plus que probables, doit évidemment faire l'objet du même traitement.

C'est le plus grand massacre d'innocents de toute l'histoire de l'humanité (qui en a connu pourtant de sévères) et malheureusement on compte des victimes encore aujourd'hui (15.000 au Népal tuées par l'ignoble maoïste Prachanda qui a même réussi à s'imposer au pouvoir, des dizaines de milliers de victimes des Farc en Colombie, les exactions du marxiste Mugabe, la répression au Tibet, à Cuba ou en Corée du bord etc.).

Ce génocide gigantesque fait l'objet notamment en France d'une tentative odieuse de maquillage sous l'influence d'un terrorisme intellectuel organisé par le mouvement socialiste toutes composantes réunies. Comme l'a si bien décrit Léon Chaix pendant des années sur le site du Monde .fr, la manipulation s'organise autour de quatre comportements condamnables :

- L'occultation

- La négation

- La minimisation

- L'exonération.

La force du témoignage de Soljenitsyne, c'est qu'il a empêché l'occultation du Goulag et réduit à rien les tentatives de négation, de minimisation et d'exonération. Grâce à lui on sait et de façon indéniable que la révolution bolchévique, avec Lénine et Trotski, et l'Union Soviétique avec Staline , ont massacré systématiquement des millions d' innocents avec parfois les mêmes méthodes que les Nationaux Socialistes allemands (comme le gazage des «koulaks » Ukrainiens, ou la mort en masse dans des camps de concentration) et souvent avec des trouvailles d'une rare cruauté comme les famines organisées liquidant des pans entiers de population comme en Ukraine ou en Chine.

Les mots Goulag et Zek totalement occultés en Occident grâce à la vigilance des socialistes et des communistes de toutes obédiences (notamment trotskistes) apparaissent soudain dans les consciences mondiales grâce à Soljenitsyne, toutes les tentatives précédentes de vérité ayant été étouffées avec succès. C'est un véritable exploit que d'avoir ainsi imposé contre une formidable coalition d'intérêts idéologiques et politiques la connaissance véritable du plus terrible génocide qui ait affecté la planète, au moins en terme quantitatif. Il y fallait une personnalité hors normes.

En réduisant Soljenitsyne à un homme dont « les épreuves traversées forcent l'admiration », vous abaissez votre hommage douteux à sa seule personne. Son épreuve n'est rien par rapport au génocide qu'il dénonce. En en faisant par petites touches un « héros inquiétant » vous aggravez encore l'ignominie précédente.

Qu'espérez-vous donc ? Qu'en rendant suspect un individu vous pourrez occulter son témoignage ? Il semble bien que cela soit votre but. Vous enchaînez aussitôt sur une deuxième diatribe aussi infâme que la précédente. Selon vous les génocides commis au nom de l'instauration violente du socialisme ne méritent aucun devoir de mémoire.

Hommage du vice à la vertu vous ne le dites pas comme cela, ce serait trop clairement honteux. Vous mettez entre guillemets « l'obligation morale » d'un Nuremberg du communisme. Comme vous avez mis entre guillemets votre « héros inquiétant ». Vous évoquez ensuite une « pénible compétition mémorielle et victimaire avec la Shoah ». Pourquoi pas la « pornographie mémorielle » pendant que vous y êtes ? En quoi un génocide peut-il porter ombrage à un autre génocide ? Comment peut-il y avoir compétition entre génocides ? Cette notion est vide de sens. Il ne peut y avoir de bons et de mauvais génocides. Tous les génocides doivent bénéficier de la jurisprudence si bien établie pour la Shoah.

Il est intéressant de noter que vous ne prétendez pas qu'il y a « compétition victimaire » entre la Shoah et les génocides traités actuellement devant le TPI : Srebrenica et Rwanda. Il est vrai que ce sont des « petits » génocides et qu'ils ne portent ombrage à aucun clan et aucune idéologie en France.

Dernière accusation portée contre Soljenitsyne, toujours avec l'air de ne pas y toucher, celle d'antisémitisme.

Soljenitsyne a demandé des comptes à l'idéologie marxiste. De même que l'on cherche les racines idéologiques ou autres de la Shoah il est parfaitement légitime de chercher les sources du Grand Génocide Socialiste ; Marx en est indiscutablement une et la plus importante. En théorisant la nécessité de détruire « la classe dominante » pour permettre l'émergence de la société sans classe, en énonçant que la morale était une « superstructure » générée par la bourgeoisie pour pérenniser son pouvoir, il est en première ligne dans la fourniture des moyens idéologiques du Grand Génocide Socialiste.

On connait l'intensité des efforts faits par certains (comme par exemple J. Attali) pour tenter de disculper Marx. On l'aurait mal lu et mal compris ! C'est tragique et ridicule ! Tous ceux qui connaissent un tout petit peu la mécanique totalitaire mise en place dans les pays communistes savent que Marx a été constamment mis en avant pour donner au socialisme son caractère « scientifique » et justifier qu'on ne s'attarde pas trop sur des scrupules « bourgeois » lors de la destruction des classes dangereuses, à savoir « la bourgeoisie et ses séides ». Il suffit de lire le crédo public des Farc pour remarquer qu'ils se mettent sous la bannière du « marxisme » comme Mugabe et Prachandra. S'en prendre à l'idéologie mortifère marxiste ne peut être considéré comme de l'antisémitisme.

Soljenitsyne a exigé une forme de repentance de la part de la partie de la communauté juive qui a alimenté le communisme et qui en a dirigé une partie des crimes. L'implication directe dans le Grand Génocide Socialiste de personnalités reconnues comme juifs par eux même ou leur communauté, est bien établie. A commencer par Trotski, le premier organisateur et fournisseur du Goulag. Il suffit d'aller dans les anciens pays envahis par l'URSS pour se rendre compte encore aujourd'hui de la rancœur existant contre ceux des juifs qui ont accompagné l'occupation de leur pays par l'URSS et parfois ont  été les rouages des massacres et des épurations ethniques.

Bien sûr l'antisémitisme historique, permanent, toujours aussi fort dans ces pays, est largement la cause de cette rancœur inextinguible. Mais pas seulement. Un exemple ? En Bucovine du Nord récupérée par l'URSS après que Hitler et Staline se soient partagés l'Europe de l'Est, la communauté juive de Cernauti, majoritaire dans la ville, se divise en 1939 entre ceux qui veulent la démocratie, condamnent les exactions, refusent la soviétisation et finalement fuient le pays, et ceux qui non seulement la justifient mais y participent et condamnent leurs coreligionnaires réticents. Les Roumains expulsés ou massacrés dans l'année suivante ne pardonneront pas. Et on trouve là une des explications de la revanche hideuse qu'ils prendront au côté des Allemands dans l'annihilation des juifs de Bucovine dans les effroyables camps de Transnistrie quand l'opération Barbarossa leur redonne le pouvoir en Bucovine du Nord.

Le fait que Staline liquidera en grande partie les juifs de l'appareil soviétique après la guerre ne peut dédouaner ces derniers d'avoir eu quelques responsabilités dans les crimes précédant leur élimination. La demande de Soljenitsyne est du même genre que celle des instances juives qui exigent du catholicisme un devoir de repentance pour l'antisémitisme larvé ou ouvert d'une partie de leur doctrine ou de leur hiérarchie.

Pour notre part nous pensons que l'intervention de la race ou de la religion ou de la nationalité dans les affaires de génocides n'a pas lieu d'être : ce sont des individus et des pouvoirs de droit ou de fait qui commettent les crimes. Et c'est sur la base des crimes individuels que le droit fonctionne. Les Allemands au sens collectif ne sont pas responsables de la Shoah, pas plus que les Juifs au sens collectif et communautaire que peut avoir ce terme ne sauraient être rendus responsables même en toute petite partie du Grand Génocide Socialiste.

 

D'autant plus que beaucoup de juifs se sont opposés et ont condamnés la terreur soviétique, même après en avoir été un moment les compagnons de route à l'instar d'Arthur Koestler. La « révolution culturelle » chinoise dont on sait qu'elle a massacré des dizaines de millions de pauvres gens a été purement intra-chinoise. Le génocide de Pol Pot et ses Khmers rouges ou les massacres du Staline Noir, Mengistu en Ethiopie ne doivent absolument rien à quelque membre que ce soit de la communauté juive. Les condamnations collectives de races, de religions, de peuples, de nations, n'ont strictement aucun sens et doivent être elles mêmes condamnées avec la plus grande fermeté.

En revanche tout groupe organisé dont une partie des membres s'est livrée à des crimes aussi effroyables qu'un génocide doit chercher la condamnation de ceux qui, en leur sein, les ont suscités, justifiés ou pratiqués. C'est vrai pour les Turcs vis-à-vis des actes effroyables commis contre les Arméniens, autant que pour les Français vis-à-vis des chefs de la Collaboration, ou pour la communauté juive vis-à-vis de ses membres qui ont été les adeptes zélés des violences  révolutionnaires marxistes.

On sait que cette repentance là est très difficile et peu populaire. Raison de plus pour l'exiger.

Dans cet esprit, votre article qui ne vise qu'à écarter le témoignage de Soljenitsyne et à éviter que la jurisprudence de la Shoah ne s'applique au Grand Génocide Socialiste, est une mauvaise action.

Votre conclusion qui renvoie le témoignage de Soljenitsyne « à la littérature ou à l'histoire » n'est pas qu'une erreur. C'est une faute. L'actualité du devoir de mémoire ne s'élimine pas d'un trait de plume. D'autant plus que la mémoire des 150.000.000 victimes innocentes du Grand Génocide Socialiste n'est toujours pas honorée, alors que ce serait le devoir absolu de la gauche.

Vouloir enterrer la mémoire de ces victimes avec Soljenitsyne, celui qui les avait sorties du silence et de l'ignorance organisés, est une infamie.

Surtout en France, pays des droits de l'homme. Qu'écririez-vous si on renvoyait Anne Frank à la petite littérature et la Shoah à un épisode marginal de l'histoire ? Non, le Goulag n'est pas non plus un « détail » de l'histoire à enfouir au plus vite loin de l'actualité ! Cette nouvelle tentative d'enterrement, qui vient après tant d'autres, justifie à elle seule que l'on crée au Trocadéro, parvis des droits de l'homme, un Mémorial à ces victimes innocentes mais, on le voit, tellement embarrassantes. Leur mémoire doit être absolument protégée et honorée. Ici et maintenant.

Didier Dufau

NB : vous pouvez accéder au texte de N. Weill en frappant la fonction "télécharger" ci dessous.

Commentaire
malko's Gravatar C'est certainement une grande déception de voir la compétition mémorielle qui se joue entre juifs, noirs, anciens colonisés, et désormais victimes du communisme. Mais comment y échapper ? Soit on abandonne ce que vous appelez la "jurisprudence de la shoah" et on laisse les morts enterrer les morts (il y a aussi un devoir d'oubli comme le rappelait il y a quelques jours Régis Debray) soit on l'applique à tout le monde.

Dans tous les cas cela implique une minoration de l'action mémorielle des associations juives. on peut comprendre qu'ils ne soient pas d'accord.
# Posté par malko | 28/08/08 08:21
DD's Gravatar Si toutes les associations des victimes de génocides pouvaient se donner la main ! Il ne peut y avoir de compétition mémorielle entre génocides. Seulement un traitement égal pour rendre justice aux victimes et essayer d'enrayer les mécanismes qui les nourrissent.
# Posté par DD | 07/11/09 19:17
Le blog en hommage a Léon Chaix

Léon Chaix est un humaniste de gauche qui a donné son nom a un syndrome essentiel a la compréhension de notre temps. Le syndrome de Léon Chaix décrit  la réponse automatique des adeptes du mouvement socialiste confronté a l'ampleur des crimes contre l'humanité commis en son nom :

  1.  L'occultation
  2.  La négation
  3.  La minimisation
  4.  L'exonération.

Tous ceux qui essaient de dénoncer l'occultation,  de démonter la négation,   de se moquer de la minimisation et de rire des tentatives d'exonération  sont évidemment présentés comme < fascistes > et ne sont dignes que des attaques ad hominem les plus basses. 
Léon Chaix et son ami Didier Dufau ont pendant des années commenté en temps réel sur le forum du journal le Monde les exemples de ce syndrome,   montrant  au jour le jour comment il s'appliquait aux révélations du Livre noir, aux crimes des Farc qu'ils furent longtemps les seuls  a évoquer et a condamner, a ceux du sinistre  Mugabe ou de l'ignoble < Prachandra > le tueur en série du Népal.  Le combat continue ici !

 

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