Holodomor l'introduction de la seconde édition augmentée du livre de Didier Dufau

Nous donnons ici l'introduction  du livre de Didier Dufau, publié début 2009,  consacré à la reconnaisance d'Holodomor comme génocide, dans la perspective du centième anniversaire de la mort de Raphael Lemkin à qui le livre est dédié. 

 

Holodomor


La France doit reconnaître le génocide Ukrainien


Didier Dufau


introduction

Le 28 août 2009 a été fêté le 100ième anniversaire de la naissance de  Raphaël Lemkin, l’homme qui a été depuis les années trente une des chevilles ouvrières de la lutte pour la reconnaissance des génocides, forme ultime du crime contre l’humanité.  A cette occasion a été publié un texte de lui exhumé des archives qui décrivait méthodiquement en quoi Holodomor, l’extermination programmée de millions d’Ukrainiens, affamés volontairement et morts dans des conditions atroces,  était un génocide caractérisé.  Par l’écrit du créateur du concept même de génocide  était dénoncé le premier grand génocide socialiste, génocide qui allait être suivi de nombreux autres pratiquement sur les mêmes schémas idéologiques et politiques.

Simultanément la République d’Ukraine remettait sur le terrain diplomatique une revendication  portée dès l’indépendance acquise du pays après l’effondrement de l’URSS par divers mouvements mémoriels locaux,  et qui a pris un essor officiel avec l’élection d’un président totalement indépendant de la Russie.  L’Ukraine réclame officiellement la reconnaissance  du génocide  de 1932-33 commis par l'URSS contre sa population et sa nation.

De nombreux pays ont fait droit à cette réclamation. Il faut dire que tous les éléments de définition du génocide sont réunis.  Le texte sur le sujet de R. Lemkin règle la question sans ambiguïté.  Il y a bien eu la volonté de détruire une structure nationale, organisation de cette destruction, passage à l’acte et le terrible bilan : entre 6 et 7 millions de morts affamés, assassinés ou déportés dans des conditions inhumaines dans des contrées non préparées à accueillir un tel flot  et dont ne reviendra qu’une faible partie des condamnés.  Sachant que la population ukrainienne de l’époque était d’environ 30.000.000 d’habitants, on voit que la saignée  en a porté sur une fraction considérable  : près de 25%.

En fait lorsqu’on ajoute les morts de la période révolutionnaire elle-même, provoquées par la guerre étrangère puis la guerre civile,  avec déjà une grande famine qui a fait près de 3.000.000 de victimes, ceux de la grande terreur stalinienne de la fin des années 30 et ceux de la répression d’après la guerre de 40 avec à nouveau une famine en 1947, c’est un bilan de plus de 12.000.000 de morts qu’il faut annoncer soit plus du tiers de la population ukrainienne.

Au génocide s’ajoute le viol même de la nation. Des millions de russophones étrangers à l’Ukraine y seront envoyés, à l’instar de ce qui s’est passé dans les pays baltes, d’une part pour gommer un tant soit peu les pertes démographiques  du génocide ukrainien mais aussi pour détruire le sentiment national et créer les conditions permanentes de l'asservissement du pays.

Les génocides arméniens, ukrainiens et juifs forment le triptyque tragique du nouveau monde ouvert par la guerre de 1914, guerre d’un nouveau genre qui a vu le progrès technique sans élévation de la conscience aboutir à un début d’anéantissement de l’humanité.  La guerre de 40, suite malheureusement logique de la première guerre mondiale, a démontré que cet anéantissement n’était pas une hypothèse et que désormais les nations disposaient du quantum d’action nécessaire pour détruire la planète et l’humanité.

La société des nations, SDN, a été créée après la première guerre justement pour qu’un droit international nouveau soit créé qui interdise les crimes contre la paix, devenue base de la sauvegarde de l’humanité, mais aussi pour définir, au-delà du simple crime contre l’humanité, les sanctions à prévoir contre les massacres  gigantesques organisés contre des groupes humains par des pouvoirs de fait ou de droit.

Le droit humanitaire international remonte à loin. La suppression de la traite des noirs et plus généralement  de l’esclavage,  du travail trop précoce des enfants,  des crimes de guerre, de la maltraitance des blessés et des prisonniers (les lois de la guerre étant encadrées par des conventions signées à Genève), ont rythmé le progrès du droit pendant tout le XIXème siècle.  Deux cent ans déjà.

Mais l'après-guerre de 14 et les génocides subséquents ont marqué un immense retour en arrière et trompé les espoirs de la SDN .

Pourtant, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité apparaissent dans le droit positif dès les années 20 dans la législation de la majorité des pays démocratiques.

Très vite, les réflexions se sont portées sur une autre catégorie de crime contre  l’humanité, les massacres de grande envergure visant à liquider ou mettre au pas des groupes humains entiers. C’est à cette mission que R. Lemkin s’est attaché, soutenu par différents organismes comme la fondation Carnégie.  Il ne fait pas de doute que le moteur de ses réflexions a été alimenté à la fois par des faits anciens et des réalités contemporaines : massacres  du début du siècle dans les colonies allemandes, en Turquie, en Ukraine, en Pologne  etc.

Paradoxalement la montée du nazisme bloque l’évolution prometteuse de ce nouveau droit international. Les travaux cessent en même temps que la SDN reçoit en son sein une des puissances génocidaires, l’URSS,  pour faire pièce aux nazis. L’effroyable génocide par famine qui culmine en 1933, c'est-à-dire la veille de cette admission, doit être masqué. Malgré les avertissements qui émanent de partout sur l’ampleur du désastre humanitaire et sur la férocité démente de la direction de l’URSS,  l’adhésion de l’URSS est acquise en 1934 après que des voyages diplomatiques  trompeurs aient été organisés pour anesthésier l’opinion et masquer la réalité.  La Croix Rouge commet à cette date une des fautes les plus lourdes de toute son histoire en cautionnant le mensonge de la non existence de la famine.

Toutes ces fictions s’effondreront avec la signature du pacte germano-soviétique  entre Molotov et Ribbentrop ! La Pologne est dépecée, et subit des deux côtés des crimes atroces. L’affaire de Katyn  où près de 20.000 cadres militaires et civils polonais sont assassinés montre que Staline n’a que faire du droit international humanitaire. Il se saisit à cette occasion de la Bucovine Nord où il commet à nouveau des crimes contre l’humanité majeurs, comme la liquidation de près de 20% de la population de l’ancienne capitale du Duché de Bucovine, Cernauti , puis la déportation de toute la population allemande et  la majorité des roumanophones de la région  !

Sous l’Egide des Etats-Unis, qui prennent la tête des alliés contre l’Allemagne nazie et le Japon impérial,  les fondations d’une nouvelle organisation internationale, l'ONU, organisation des nations unis,  sont construites et les travaux sur l’élaboration d’un nouveau droit international reprennent dès 1943. Ils déboucheront lors du procès de Nuremberg, où, sous l’influence de R. Lemkin, la notion de génocide  et les éléments d’un droit du génocide sont affirmés.

Citons le texte de la Documentation Française qui en 1946, explicite la notion de génocide.


« Le génocide a été inclus dans l'acte d'accusation des principaux criminels de guerre à Nuremberg. Il y est dit:  Les accusés se sont rendus coupables de génocide délibéré et systématique, c'est-à-dire, des groupes nationaux et raciaux, contre les populations civiles de certains territoires occupés, en vue de détruire des races et des classes déterminées, et des groupes nationaux, raciaux ou religieux, plus spécialement des Juifs, des Polonais, des Tziganes et d'autres encore.

En introduisant le génocide dans l'acte d'accusation, l'énormité des crimes nazis a été définie d'une façon plus précise. De même que, en cas d'homicide, le droit, naturel de l'individu à l'existence est impliqué, de même en cas de génocide en tant que crime, le principe que tout groupe national, racial et religieux a un droit naturel à l'existence ressort clairement. Des attentats contre pareils groupes violent ce droit à l'existence et celui du développement au sein d'une communauté internationale. Concluons: le génocide n'est pas seulement un crime contre les règles de la guerre, mais encore un crime contre l'Humanité. »


Raphael Lemkin participe alors à son grand œuvre, le vote par l’ONU d’un cadre légal contre "le crime  des crimes", le génocide. Il est l'inspirateur et le principal rédacteur de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, approuvée le 9 décembre 1948 par  l’assemblée générale des Nations Unis et entrée en vigueur le 12 janvier 1951. Ce vote conduira ultérieurement  à celui du caractère  imprescriptible des crimes contre l’humanité et du génocide, puis au tribunal pénal international.

Malheureusement le vote est entaché d’un lobbying conjoint de la part des Etats-Unis et de l’URSS. Les premiers ne veulent pas que l’apartheid et les massacres de noirs sans jugements comme il s’en produit souvent encore sur leur sol puissent entraîner une incrimination. L’Union Soviétique ne veut pas que ses propres crimes soient évoqués.   La France et le Royaume uni qui ont quelques guerres coloniales sur les bras ne veulent pas non plus d’une extension trop large du concept de génocide.

On châtre donc  le texte rédigé après le procès du Nuremberg et on supprime la notion de « classes  déterminées» insupportable au génocidaire  lui-même, c'est-à-dire à  l’URSS.  Staline obtient satisfaction et la définition du génocide est restreinte aux seuls massacres collectifs  basés sur la notion de race, de religion et de nation.

C’est toujours un inconvénient d’avoir avec soi l’organisateur d’un crime pour le définir  et le sanctionner !

Raphaël Lemkin n’est pas dupe des compromis qu’il a fallu accepter pour qu’une avancée fondamentale du droit humanitaire mondial puisse être institué.  Plus tard, à l’instigation des associations de la diaspora ukrainienne il en viendra à expliciter complètement  sa vision des choses en démontrant qu’Holomodor est bien un génocide.

Malheureusement ce génocide restera totalement occulté. Le mot n’est connu de personne en Occident.  Toutes les occasions de remettre en perspectives ce premier grand  génocide socialiste , et elles ne manqueront pas, de la publication des mémoires de Kravchenko, le premier grand témoignage d’un acteur d’Holodomor,  à la déstalinisation,  à la publication de « l’archipel du Goulag » de Soljenitsyne,  à la chute du mur, puis à la publication du Livre Noir,  ne sont pas exploitées.

Une chape de plomb pèse sur Holodomor. Pire encore, lorsque la réclamation victimaire de l’Ukraine pourra enfin être formulée, une fois sa dépendance vis-à-vis de Moscou supprimée, elle sera occultée en même temps qu’à l’initiative des communistes et malheureusement aussi de socialistes non communistes, un tir de barrage négationniste est massivement organisé pour que la réclamation ukrainienne soit cachée (les media, particulièrement  les français,  seront d’une remarquable discrétion), supectée   et surtout, scandale des scandales, non reconnues par les instances internationales.

C’est ainsi qu’en catimini le Parlement Européen  refuse de reconnaître le caractère génocidaire d’Holodomor tout en admettant son caractère de crime de masse contre l’humanité devant faire l’objet d’un devoir de mémoire !  Qu'est ce donc qu'un génocide sinon un crime de masse exigeant un devoir de mémoire de la part de toute l'humanité ?

Plus classiquement, à la demande de la Russie, l’organisation des Etats-Unis refuse également de reconnaître le caractère génocidaire, pourtant évident, le texte de Lemkin le montre bien.

Le scandale d’un génocide qui devrait interpeller la conscience mondiale des nations civilisées  et de sa non reconnaissance,  qui  suggère que les millions de victimes civiles sans défenses ne sont pas innocentes, est l'objet de ce livre.

Comment un tel déni a-t-il pu être possible ? Par quel mécanisme est-il entretenu ?  Par quelle déviation de l’esprit démocratique et de l’humanisme est il toléré ?


Où sont les droits de l’homme si l'on nie ceux des millions de victimes exécutées dans des conditions de sauvagerie maximale  par un pouvoir disposant  seul de la force armée et en temps de paix ?

Où est la prétention  de la France à être la patrie des droits de l’homme lorsqu’elle est le pays où l’occultation, la négation et la minimisation d’Holodomor sont les plus systématiques, à tel point que la France est un des seuls pays démocratiques au monde à ne même pas avoir pris position sur la question, posée explicitement par la diplomatie Ukrainienne depuis 2003 et le 70ième anniversaire d’Holodomor ?

C’est  l’histoire de cette amnésie volontaire et scandaleuse que ce livre raconte.  Dans l’espoir que la France change sa position et se réconcilie avec elle-même. La France par son gouvernement et son parlement doit reconnaître Holodomor. Le plus tôt sera le mieux.

En même temps, la grande histoire du progrès du droit humanitaire doit reprendre son cours, après avoir levé l’hypothèque de la non-condamnation pour des raisons politiques et diplomatique des grands génocides socialistes.

75 ans après il faut sortir de l’ambiguïté de 1934. L’URSS n’est plus. La plupart des pays du « socialisme réel » ont disparu ou ont abjuré le marxisme léninisme. Il faut reprendre la lutte décidée contre les crimes contre l’humanité de grande ampleur. En les dénonçant tous.  Sans exception.  Il n’y a pas de « bons génocides » pour lesquelles l’amnésie est requise, et des "mauvais génocides" pour lesquels l’ hypermnésie serait de rigueur.
 
Il ne s’agit pas ici « d’appuyer sur les plaies pour en faire gicler des bouillies de staphylocoques » (expression de Yan Moax sur un tout autre sujet) , ni de « jeter des cadavres sur des espérances ». Mais de poursuivre le progrès du droit international humanitaire.

Que le cinquantenaire de la mort de Raphaêl Lemkin et le centenaire de sa naissance, soient l’occasion  de l’approfondissement définitif de son œuvre et des avancées nécessaires sur le chemin qu’il a tracé !



Actualité d'Holodomor, le génocide soviétique en ukraine

Actualité d’Holodomor.

Comme la majorité des gens ne le savent pas (personne ne s’est précipité dans les médias pour le leur expliquer)  Holodomor est le nom donné par les Ukrainiens au génocide perpétré par l’Union Soviétique contre leur peuple entre 31 et 34.

Bien décidé à en finir avec l’irrédentisme ukrainien et ses particularismes, Staline lance la « destruction des koulaks en tant que classe »  en accélérant un programme d’élimination massive de la propriété privée et d’expropriation des paysans, de destruction de toutes les structures religieuses ukrainiennes (ne survivront que deux évêques et une poignée de popes),  d’élimination de toutes les institutions culturelles et intellectuelles proprement Ukrainiennes.  Les terribles réquisitions de blé et de bétail empêchent bientôt de faire la soudure.  Les manifestations de paysannes sont réprimées dans le sang. Les récalcitrants sont déportés et réduits en esclavage, avant de mourir presque tous dans des conditions de dénuement total dans des contrées sibériennes où rien n’était prévu pour eux.

 La famine s’installe en Ukraine et au Kouban.  Les femmes et les enfants de koulaks jetés à la rue se retrouvent sur les chemins ou dans les grandes villes. Près de 30.000 enfants orphelins hantent les rues de Kharkov où ils survivent comme ils peuvent. La plupart mourront de faim et de maladie (on estime à plus de 600.000 le nombre d’enfants tués pendant Holodomor).  Le CC du PCUS décide de « donner une leçon définitive » aux paysans ukrainiens. Une loi des épis permet de sanctionner la possession du moindre boisseau. On arrache le peu de  semence et de nourriture dans la poche des paysans. On interdit aux paysans de quitter leur village. On massacre ceux qui s’enfuient. Des « listes noires » de villages à exterminer  sont établies. On les encercle militairement et on interdit tout échange avec les proscrits.  La faim frappe enfants, femmes et hommes. Le typhus s’installe, gonflant encore le nombre des victimes.  Des scènes d’horreur se font jour : on mange les charognes dénaturées, et on meurt dans d’atroces souffrances ; des actes de cannibalisme sont relevés :  on sacrifie un enfant pour sauver la famille…

Selon la logique totalitaire qui veut qu’en quelques mois le pays se divise entre bourreaux et victimes, 180.000 personnes sont lancées sus aux récalcitrants. Ils parviendront à faire mourir entre 7.000.000 de personnes (3 à 4 millions morts de faim, 1.000.000 exécutés, 1 à 2 millions déportés).  On remplace en partie les populations  mortes par 2.000.000 d’immigrés russophones.

Les massacres doivent être cachés. Hitler vient de prendre le pouvoir. Les démocraties se rapprochent de l’URSS. Ils demandent l’intégration de l’URSS dans la SDN. Impossible de faire entrer un état génocidaire dans la SDN ! Alors on se tait. On sait et on se tait. Car des partout les témoignages affluent. Des voyages « potemkine » sont organisés pour laisser croire qu’il n’y a aucune famine. E. Herriot, Pierre Cot, Bernard Shaw et finalement la croix Rouge se prêtent à ces opérations de camouflage.  Le mensonge s’installe dans les démocraties.  Partout on est prié de révérer le succès du « socialisme réalisé » par le « génial Staline ».  Là où on ne trouve plus que des cadavres on est prié de voir les moissons glorieuses et le blé qui coule à flot !

Avec Holodomor nait d’un seul coup le génocide révolutionnaire de masse en temps de paix, la négation du génocide et l’antifascisme politicien. Staline donne l’ordre de se rapprocher de la sociale démocratie  sous l’égide du concept d’antifascisme , dépassement des clivages anciens. Le terrorisme intellectuel s’impose en occident autour d’un mensonge structurel, après que le terrorisme social, au nom de l’instauration violente du socialisme,  ait fait des millions de victimes dans les conditions les plus atroces.  Et désormais le terrorisme intellectuel n’est pas seulement celui des partis Communistes et ses relais embusqués dans les médias et l’université, mais aussi  celui des socialistes démocratiques.  Quiconque remet en cause l’URSS et ses génocides à répétition devient un « fasciste ».

La guerre gagnée contre les nazis où l’URSS fait partie des nations alliées, conduit à la découverte des charniers de la Shoah. Le mensonge sur Holodomor en est aggravé d’autant en même temps que s’exacerbe l’antifascisme politicien :  celui qui conteste Holodomor et les crimes soviétiques, celui qui dénonce le mensonge monstrueux, celui qui demande justice au nom des millions de victimes n’est plus seulement un vil fasciste, il devient  un antisémite.  Robert Hue ne manquera pas d’envoyer cet argument frelaté à la tête de Courtois lors de la fameuse émission de Pivot accompagnant la sortie du Livre noir.

L’amnésie sur Holodomor et l’hypermnésie sur la Shoah deviennent la règle d’or « à  gauche », en fait dans un camp socialiste divisé mais qui croit devoir trouver une existence commune autour d’un « peuple de gauche » mythique  en inventant un « peuple de droite » indéfectiblement associé à la Shoah, au fascisme et à l’antisémitisme.

Alors même que l’URSS s’effondre, que la compilation de ses crimes apparait dans toute son horreur, cette reconstruction de l’histoire est avalisée par les socialistes dits « démocratiques », comme le PS de Jospin en France. Le tapage contre un Pinochet (3200 morts) poursuivi pour « génocide » par le juge Garzon, le procès Papon avec son équation simpliste « droite= Shoah, De gaulle = droite, Papon = de gaulle, De gaulle = Shoah) permet d’alimenter le fumigène. Alors qu’on est prié de considérer tous les mouvements révolutionnaires comme un magnifique exemple de sacrifice au nom de l’idéal socialiste. C’est particulièrement vrais pour les Farc (plusieurs dizaines de milliers d’assassinats, force 15 sur l’échelle de Pinochet)  absouts de toute critique et dont les crimes sont cachés et niés pendant des décennies jusqu’à ce qu’un enlèvement de trop retourne l’opinion.  Ou pour les exactions de Mugabe. Ou pour les crimes de Prachandra, le brahmane fou et maoïste du Népal (force 5 sur l’échelle de Pinochet).

Et voilà que les peuples soumis à l’URSS et qui ont réussi à se détacher de l’URSS et finalement à se doter de gouvernement indépendant des structures communistes réclament la reconnaissance des génocides qu’ils ont subis.

La bulle mensongère est tendue à l’extrême. L’antifascime, 70 ans après la disparition du nazisme et du fascisme italien,  commence à prendre l’air de ce qu’il est : un artifice de propagande particulièrement odieux. L’instrumentalisation de la Shoah finit aussi par faire mauvais effet tant elle est manifeste. Le galvaudage de la notion de génocide fait le reste : si un bourreau argentin ou chilien peut être poursuivi pour génocide pour une série d’assassinats politiques ciblés, alors comment ne pas considérer  comme génocide des crimes contre l’humanité qui ont touché des millions de personnes totalement innocentes ?

Le plus drôle est que la contestation ne vient pas de droite : la droite est muette par construction. Mais de l’ultra gauche. Depuis le tournant du socialisme dans un seul pays et de « la réconciliation » entre bolchévique et socialiste démocratique, imposé par Staline face à la montée d’Hitler (nous revoici dans les années trente),  l’ultra gauche dénonce l’abandon de l’idéal révolutionnaire. On pactise avec l’ennemi de classe. La révolution est finie. Le front « antifasciste » pour eux est le nom de l’abandon de la révolution. Avec le virage qui associe antifascisme et Shoah, leur combat prend un mauvais tour. S’ils attaquent l’antifascisme, c’est qu’ils sont antisémites !  L’affaire de la « vielle taupe » et les évolutions de Garaudy sont là pour le prouver ! L’affaire trouve son épilogue burlesque avec l’accusation d’antisémitisme lancée contre Alain Krivine et le facteur Besancenot, mobilisés dans la défense des palestiniens contre l’oppression israélienne.

Voici donc la droite et l’extrême gauche réunies dans le même opprobre par l’antifascisme  socialo-communiste !  

Voici le lambeau de parti qu’est le parti communiste français, le seul à être resté indéfiniment stalinien à la manœuvre pour tuer à droite comme à gauche toute reconnaissance comme génocide des immenses massacres de l’URSS et des pays frères. 

Que resterait-il de « l’antifascisme »  idéologico-politique et de la dénonciation antisémite et progénocidaire  de la droite si les mêmes concepts qui sont à la base de la dénonciation s’appliquaient aux exactions de l’URSS ? Que resterait-il de l’Union de la gauche si le PC français était réduit à un simple auxiliaire de génocides répétés et globalement plus massifs que ceux du nazisme ? Que resterait-il de l’idée socialiste si on la jugeait avec la même rigueur que les autres idées et comportements sources de génocides ?

Il faut que le crime soit tu et que le mensonge continue à  s’imposer pour que tout le charabia politique socialiste autour d’une union de la gauche mythifiée garde un semblant d’existence. Les forumeurs socialistes ne s’y trompent pas dans leur hystérie collective contre ceux qui dénoncent le crime et font voler en éclat le mensonge. Ils y voient une véritable menace contre l’idée même du « peuple de gauche ». « Ne jetez pas de cadavres sur mon idéal ». Indépendamment des bouches à feu officielles chaque militant se croit le défenseur ultime de la vraie foi. Il appelle à la rescousse tout le clan pour jeter dehors sous un torrent d’infamies, d’injures, et de violences, le malheureux qui viendrait à parler « vérité », « hommages aux victimes », « devoir de mémoire ». L’instrumentalisation politique et idéologique de la Shoah fait craindre une instrumentalisation symétrique d’Holodomor.

Alors partout on occulte, on nie, on minimise. Le Parlement Européen se ridiculise en inventant le génocide « canada dry » : les millions de victimes innocentes de l’URSS ne peuvent pas se considérées comme victimes d’un génocide mais « seulement » d’un crime contre l’humanité. Mais il faut le même devoir de mémoire qui si c’était un génocide.  Holodomor ressemble à un génocide, a le goût amer du génocide, doit être traité comme une génocide,  mais, Mesdames et Messieurs, ce n’est pas un génocide ! La France courageusement, bien  qu’elle ait eu, un court instant une secrétaire d’état  aux droits de l’homme n’a pas cru devoir répondre du tout à la réclamation victimaire de l’Ukraine. C’est la droite sous influence, au parlement européen comme au gouvernement, qui a décidé d’opter pour visser une chape de plomb sur la mémoire des  millions de victimes ukrainiennes. Encore bravo !

On voit qu’Holodomor n’est pas une affaire du passé, mais une clé structurante de notre quotidien idéologique et politique en France, mais aussi à travers la planète. On trouve des négationnistes d’Holodomor au Canada, aux Etats Unis et au Royaume uni, pas seulement en France et pas dans les seuls rangs des éternels  compagnons de route du PCUS.

L’actualité d’Holodomor n’est pas seulement ukrainienne.

Salomon, d’après Finkielkraut, priait Dieu pour lui donner un cœur intelligent. La posture antifascite idéologique et politicienne, née en 1933, interdit et la mobilisation de  l’intelligence et l’émotion du cœur. Le mensonge partisan en matière de génocide ne peut être considéré comme une marque d’intelligence. Et le refus de considérer les victimes comme innocente démontre une atrophie du cœur pratiquement totale.

Nous devons adopter la ligne de conduite de Salomon. La gauche doit devenir ou redevenir le camp des cœurs intelligents.

Cela passe par la reconnaissance en tant que génocide d’Holodomor.
Hic et nunc !

 

Didier Dufau

Rafael Lemkin et Holodomor

Vous ne connaissez pas le mot "Holodomor" ? C'est normal. Le terme et ce qu'il recouvre, un effroyable génocide commis dans des conditions atroces qui fit en Ukraine entre 6 et 7 millions de victimes  entre 31 et 34.

Depuis que l'Ukraine a retrouvé sa souveraineté et surtout que des gouvernemenets non alignés sur Moscou ont réussi à s'imposer au pouvoir la vérité sur cette immense massacre s'est imposée en Ukraine.

Le gouvernement ukrainien cherche à faire reconnaître ce génocide.  Il a formulé de nomreuses demandes auprès de toutes les institutions. La dernière est le Parlement Européen. Sept millions de morts dont plus de la moitié morts de faim dans des villages coupés du monde par l'armée rouge ; un massacre dont tous les documents récemment publiés mongtrent qu'il a été commandé expréssement. Il fallait réduire l'Ukraine et détruire les Koulaks en tant que classe.

Et bien le Parlement Européen a bien voulu admettre le crime contre l'humanité mais pas le génocide. Vous n'en avez pas entendu parler. Normal : la presse française n'en a pas parlé ou tellement vite et tellement peu ou tellement négativement que votre attention n'a pas pu être attirée.

Des discussions filandreuses ont eu lieu pour savoir ce qui était ou n'était pas un génocide. Elles étaient toutes de mauvaise foi à gauche : on ne veut tout simplement pas que le socialisme se retrouve avec un génocide sur les bras. Imaginons qu'on lui applique le même traitement politique et médiatique qu'à la Shoah !

Alors le parlement a inventé le génocide canada dry : cela ressemble à un génocide ; cela a le gout du génocide ; mais ce n'est pas un génocide.

Les élections européennes ont eu lieu récemment. Personne n'a jamais discuté des décisions qui ont été prises pendant la législature finissante. pas un mot.

Personne n'a parlé de cette terrible forfaiture qu'aura été la non qualifiation de génocide d'Holodomor.

Chut !!!!

Parmi les arguments invoqués, il y a eu cet argument massue : celui qui a défini le concept de génocide et a réussi à l'imposer lors du procès de Nuremberg, Raphaël Lemkin, n'a jamais qualifié Holodomor de génocide et ne s'est déclaré que sur l'affaire arménienne et sur la Shoah.

C'était naturellement un mensonge. Il éclate aujourd'hui, alors que l'on va fêter le centième anniversaire de la naissance de R. Lemkin un document imparable a été déniché dans ses papiers. la source est totalement officielle et validée.

Voici le texte :

Raphaël LEMKIN


                                Un  GENOCIDE SOVIETIQUE EN UKRAINE*


                                   Sossyura  - AIMEZ L’UKRAINE -
« Vous ne pouvez aimer les autres peuples si vous n’aimez pas l’UKRAINE » (1)

    Le meurtre de masse de populations  et de nations qui marqué la progression  de l’Union Soviétique en Europe n’est  pas une nouvelle spécificité de sa politique d’expansionnisme, il ne s’agit pas d’une innovation  destinée simplement à créer l’unité à partir de  la diversité des Polonais, Hongrois, Baltes, Roumains, présentement en train de disparaître dans les franges  de son Empire. C’est au contraire une caractéristique structurelle même de la politique intérieure du Kremlin, dont les gouvernants actuels se sont certainement inspirés des nombreux exemples donnés par  les opérations de la Russie tsariste. Il s’agit en fait d’une étape indispensable dans le « process » de l’Union que les leaders  Soviétiques espèrent ardemment voir produire  « l’Homme Soviétique », la « Nation Soviétique » et afin d’atteindre ce but, cette nation unique, les dirigeants du Kremlin vont détruire sans remords les nations et les cultures  qui existent depuis des temps immémoriaux en Europe de l’Est.

Ce (2) dont je veux vous parler est peut être l’exemple type du Génocide Soviétique, son expérience la plus ancienne et la plus achevée en terme de Russification – la destruction de la nation Ukrainienne. Il s’agit tout simplement – comme je l’ai dit - de la suite logique des crimes tsaristes tels que  la noyade ordonnée  par Catherine la Grande, de 10.000 Tatars de
Crimée, les crimes de masse perpétrés par les « troupes S.S » d’Ivan le Terrible – l’Oprichtchina - l’extermination des leaders nationaux polonais, et des catholiques ukrainiens par Nicolas 1er et les séries de pogroms anti-juifs, qui ont entaché périodiquement l’Histoire Russe. Cela s’est déjà traduit au sein de l’Union Soviétique par l’annihilation de la nation ingérienne, des cosaques du Don et du Kouban, , des Tatars de la République de  Crimée des nations Baltes : Lituanie, Lettonie, Estonie, . Tous ces cas sont des exemples de la politique  à long terme de liquidation des peuples non Russes, par la suppression d’éléments spécifiques.

    L’Ukraine constitue  une parcelle méridionale de l’URSSS comparable par sa superficie à la France et à l’Italie , et comprenant plus de 30 millions d’habitants (3).  Véritable grenier à blé de la Russie, sa géographie a fait de l’UKRAINE un  point d’accès stratégique vers le pétrole du Caucase, de l’Iran et vers l’ensemble du Moyen-Orient. Au Nord, elle borde la Russie à proprement parler.
Aussi longtemps que l’Ukraine conservera son unité Nationale, aussi longtemps que son peuple continuera à se considérer comme ukrainien et à revendiquer son indépendance, l’Ukraine représentera une sérieuse menace pour le cœur même du soviétisme. Il n’y a rien de surprenant à ce que  les leaders communistes  aient attaché depuis longtemps la plus grande importance à  la russification de ce membre indépendantiste de leur « Union des Républiques » et aient décidé de le rendre conforme  à leur modèle d’une nation russe unique. Tout simplement parce que l’Ukrainien n’est pas et n’a jamais été un Russe ; sa culture, son tempérament, sa langue, sa religion ….tout est différent. Au voisinage immédiat de MOSCOU, il a toujours refusé d’être collectivisé, acceptant la déportation et même la mort. Il est donc particulièrement important  que l’ Ukrainien soit réajusté  au moule de l’Homme Soviétique idéal.

    L’Ukraine est gravement  menacée par le meurtre racial de catégories spécifiques,  de sorte que  les tactiques  communistes sur place  n’ont pas vraiment pris  la même forme que les attaques allemandes contre les Juifs. Cette nation est trop peuplée pour être complètement et efficacement exterminée. Quoi qu’il en soit, ses leaders religieux, intellectuels, politiques et ses élites sont assez peu nombreux et ils sont éliminés facilement. Et c’est sur ces groupes  que la toute puissance de la machine soviétique s’est abattue avec ses  armes  habituelles que sont le meurtre de masse, la déportation et  les travaux forcés, l’exil et la famine.

    Les attaques se sont toujours manifestées de la même façon avec un mode opératoire  sans cesse réitéré afin d’écraser  toute nouvelle manifestation de l’esprit national.  Le premier coup a été porté contre l’Intelligentsia, la conscience nationale,  afin de paralyser le reste de la Société. En 1920, 1926, et à nouveau entre  1930 et 1933, les enseignants, écrivains, artistes, penseurs, leaders politiques ont été liquidés, emprisonnés ou déportés. Selon le trimestriel Ukrainian Quaterly  paru en Automne 1948, 51713 intellectuels ont été envoyés en Sibérie pour la seule année 1931. Au moins 114 éminents poètes, écrivains et artistes, les éléments culturels les plus brillants de la nation, ont connu le même sort. Les estimations les plus  prudentes indiquent qu’au moins 75% des intellectuels ukrainiens et des entrepreneurs d’Ukraine occidentale, d’Ukraine carpatique et de la Bucovine ont été brutalement exterminés par les Russes ( ibid – Ukrainian Quaterly - été 1949 )

    En parallèle  avec  ces attaques contre l’intelligentsia ont été  déclenchées des offensives contre les églises, les prêtres, leurs hiérarchies, l’Ame de l’Ukraine. Entre 1926 et 1932, l’Eglise ukrainienne autocéphale, son Métropolite (Lipkisky) et 10.000 membres du clergé  ont été liquidés. En 1945 quand  les soviétiques se sont établis en Ukraine occidentale
un sort similaire a été réservé  à l’Eglise Catholique Ukrainienne. Que la russification ait été le motif unique  de ces actions est clairement démontré par le fait que, avant sa liquidation,  on ait proposé  à l’Eglise de rejoindre le Patriarcat de Moscou, l’instrument politique du Kremlin.
    Deux semaines seulement avant la Conférence de San Francisco, 11 Avril 1945, un
détachement du NKVD  a encerclé  la Cathédrale St Georges à Lviv, arrêté le Métropolite SLIPYJ, 2 évêques, 2 prélats et de nombreux prêtres (4). Tous les étudiants du séminaire théologique ont été expulsés de leur école, tandis qu’on expliquait aux professeurs que l’Eglise gréco-catholique avait cessé d’exister, que leur Métropolite avait été arrêté, et qu’il serait remplacé par un évêque désigné par les Soviétiques. Ces faits se sont répétés à travers toute l’Ukraine occidentale, et en Pologne, au-delà de la ligne Curzon (5). Au moins 7 évêques ont été arrêtés, et l’on n’a plus jamais entendu parler d’eux ; il n’y a plus aucun évêque de l’Eglise catholique ukrainienne libre dans cette zone. 500 prêtres qui s’étaient  rassemblés pour protester contre les actions des Soviétiques ont été arrêtés ou abattus. Dans toute la région les prêtres et les fidèles ont été tués  par centaines, alors que des milliers d’entre eux ont été envoyés dans des camps de travaux forcés. Des villages entiers ont été dépeuplés. Pendant la déportation les familles ont été délibérément séparés, les pères en Sibérie, les mères dans les briqueteries au Turkestan  et les enfants dans des  internats pour y être « éduqués ». Pour le seul  crime d’être ukrainienne, l’Eglise elle-même a été déclarée  nuisible à la prospérité de l’Etat Soviétique et ses membres ont été fichés par la police politique  en tant qu’ennemis du peuple potentiels.

    En conséquence, à l’exception de 150.000 fidèles en Slovaquie, l’Eglise catholique d’Ukraine  a officiellement été liquidée, sa hiérarchie emprisonnée, son clergé dispersé et enfermé.
    Ces attaques contre la Spiritualité, ont eu et continuent d’avoir des effets désastreux sur les élites de l’Ukraine, dans la mesure où ce sont les familles du clergé qui ont traditionnellement fourni une partie importante des élites, tandis que les prêtres eux-mêmes ont toujours été des leaders dans leurs villages  et leurs épouses responsables d’organisations charitables (selon la tradition byzantine, les prêtres ont le droit de se marier et de fonder une famille- ndt). Les ordres religieux, de leur côté, géraient les écoles  et s’occupaient des œuvres de bienfaisance.
    La troisième attaque du plan soviétique était dirigée contre les fermiers, la très grande masse de paysans indépendants qui sont les dépositaires des traditions, du « folklore » et de la musique, de la langue nationale, de la littérature de l’Ukraine..L’arme utilisée contre cette partie de la population  est sans doute la plus terrible de toutes – la famine. Entre 1932/1933
5 millions d’ukrainiens sont morts de faim. Un acte inhumain que le 73° Congrès a dénoncé le 28 Mai 1934 (6). On a bien essayé de dissimuler ce sommet  de la cruauté soviétique, de le réduire à un problème économique lié à la collectivisation des terres à blé et à  l’élimination des koulaks (fermiers indépendants), qui apparaissait de ce fait indispensable. Il n’en reste pas moins que les grands propriétaires terriens,  étaient très peu nombreux en Ukraine, et très dispersés. L’auteur soviétique KOSSIOR (7)  a déclaré dans les Izvestias du 2 Décembre 1933  que « Le nationalisme ukrainien est notre danger principal », et c’est pour cette raison, pour détruire ce nationalisme, pour  mettre en place l’horrible uniformité de l’Etat Soviétique, que la paysannerie ukrainienne a été sacrifiée. La méthode employée dans cette partie du plan  n’a pas du tout été restreinte à un groupe particulier. Tous ont souffert : les hommes, les femmes, et les enfants. La récolte, cette année, était  largement suffisante pour nourrir  toute la population et le bétail d’Ukraine, même si elle était inférieure à celle de l’année précédente une baisse due, probablement, au combat contre la collectivisation. Mais une famine était nécessaire aux soviétiques et ainsi en ont-ils décrété une, dans le cadre du Plan,  au travers de réquisitions inhabituellement élevées au bénéfice de l’Etat.  Et par-dessus tout, des milliers d’hectares de blé n’ont pas été moissonnés et ont fini par pourrir dans les champs. Le reste a été envoyé dans les silos gouvernementaux pour y être stocké jusqu’à ce que les autorités aient décidé de quelle façon l’utiliser. La part la plus importante de cette récolte, si vitale pour la survie du peuple ukrainien, a fini sous forme d’exportations destinées à rapporter des devises depuis l’étranger.
         Confrontés à cette famine, des milliers des fermiers ont quitté  les zones rurales et se sont alors dirigés vers les villes pour y mendier de la nourriture. Rattrapés sur place puis renvoyés vers les campagnes, ils y ont laissés leurs enfants dans l’espoir que ceux-ci pourraient survivre. Par exemple, dans la seule ville de Kharkiv ( alors capitale de l’Ukraine soviétique – ndt ) près de 18 000 enfants ont été abandonnés. Des villages comptant à l’origine des milliers d’habitants se sont retrouvés avec quelques centaines de survivants. Dans d’autres, la moitié de la population a disparu, et dans ces bourgs entre 20 et 30 personnes pourraient chaque jour. Le cannibalisme s’est développé.
       Comme l’écrivait en 1933 C. Henry Chamberlain(8), correspondant à Moscou du Christian Science Monitor :  

   « Les communistes ont  suscité l’apathie et le découragement, le sabotage et la contre-révolution et,  avec à la manière  impitoyable coutumière des  idéalistes imbus d’eux-mêmes ils ont décidé de laisser la famine se répandre avec l’idée que cela pourrait donner une bonne leçon aux paysans. De l’aide a été distribuée au compte-gouttes aux fermes collectives mais d’une façon tellement inappropriée et si tardivement que beaucoup de vies avaient déjà été perdues. Les paysans individuels, quant à eux, ont été laissés à l’abandon  et  la mortalité particulièrement élevée dans leurs rangs s’est avérée être un argument de poids pour les forcer à rejoindre les fermes collectives. »

      La quatrième étape dans ce processus a consisté en une fragmentation brutale du peuple ukrainien par l’adjonction sur le territoire ukrainien de populations allogènes et la dispersion des Ukrainiens à travers toute l’Europe orientale, afin de détruire l’unité ethnique et de mélanger les nationalités. Entre 1920 et 1939, la part de la population d’origine ukrainienne dans la totalité de la population d’Ukraine est passée de 80% à seulement 63,2 % (9). A cause de la famine, la population  ukrainienne absolue est passée de 23.2 millions à 19.6 millions, cependant que la population d’origine non-ukrainienne s’est accrue de 5.6 millions d’individus. Si l’on se souvient qu’il n’y a  pas si longtemps l’Ukraine avait le taux de croissance démographique le plus élevé de toute l’Europe, alors on peut se dire qu’effectivement la but des  Russes a été atteint.

        Nous venons de voir  les principales étapes de la destruction systématique de la nation ukrainienne. On remarque qu’il n’y a pas eu de tentative de complète annihilation, comme cela a été le cas avec les attaques allemandes contre les Juifs. Pour autant, si le programme soviétique est mené à son terme, si l’intelligentsia , les prêtres et les paysans sont tous éliminés, alors l’Ukraine sera aussi morte que si tous les Ukrainiens avaient été éliminés, dans la mesure où elle aura perdue l’essence même de ce qui a permis de maintenir et de développer dans le temps sa culture, ses convictions, ses valeurs communes, et ce qui l’a guidée et lui a donné une âme, ce qui  a, en résumé, fait d’elle une Nation et non pas simplement une masse de population.   
         Quoi qu’il en soit, les meurtres de masses, aveugles, n’ont pas manqué. Mais ils ne faisaient pas partie intégrale des plans, ils en étaient  simplement des variations fortuites. Des milliers de personnes ont été exécutées. Des dizaines, voire des milliers d’autres sont parties vers une mort certaine dans les camps de travaux forcés de Sibérie.
         La ville de Vinnitsya pourrait être considérée à juste titre comme le Dachau ukrainien. Là-bas, dans près de 91 fosses  reposent les corps de  9 432 victimes de la tyrannie soviétique, abattues par le NKVD entre 1937 et 1938. Depuis cette date, les corps avaient été placés par une cruelle ironie sous un plancher de danse, au milieu des pierres tombales de vrais cimetières, dans les bois, jusqu’à leur découverte par les allemands en 1943. La plupart des victimes avaient été déclarées comme exilées en Sibérie par les autorités soviétiques.
         L’Ukraine a elle aussi son Lidice, dans la ville de Zavadka, détruite par les laquais polonais du Kremlin en 1946 (10). A trois reprises, les troupes de la seconde Division polonaise ont attaqué la ville, tuant les hommes, les femmes et les enfants,  brûlant les demeures et volant le bétail. Au cours du second raid, le commandant Rouge   déclara à ce qu’il restait de la population : «  Un sort identique attend tous ceux qui refuseront de retourner en Ukraine. J’ordonne donc  que le village soit évacué dans les trois jours. Sinon, j’exécuterai chacun d’entre vous. »( source : La mort et la dévastation sur la ligne Curzon, de Walter Dusnyk ).
        Quand la ville a finalement été évacuée par la force, il ne restait que 4 hommes parmi les 78 survivants. Au cours du mois de mars de la même année, deux autres villes ukrainiennes ont été attaquées par la même unité Rouge et ont subi à peu près le même sort.
   Ce que nous venons de voir ici ne concerne pas la seule Ukraine. Les méthodes employées par les Soviétiques là-bas  ont été et sont encore  fréquemment réutilisées. Il s’agit même d’une caractéristique de leur plan d’expansion dans la mesure où cela leur permet de construire très rapidement une unité à partir de la diversité des nations qui constituent l’Empire soviétique. Le fait  que cela  engendre des souffrances indescriptibles pour des millions de personnes  ne les conduit absolument pas à infléchir leurs méthodes. Ne fut-ce qu’au nom des souffrances humaines, nous devrions absolument condamner cette uniformisation  comme criminelle. Mais il s’agit bien plus que de cela, que d’un simple crime de masse. Il s’agit d’un acte de génocide, de destruction, pas seulement des individus mais d’une culture, d’une nation. Même s’il était possible de réaliser ceci sans aucune souffrance, nous devrions tout de même le condamner parce que la communauté des valeurs, l’unité des idées, des langues et des coutumes qui constituent ce que nous appelons une nation  représentent le plus important de nos moyens de civilisation et de progrès.  Il arrive que des nations se mélangent et forment ensemble de nouvelles nations – nous en avons un bon exemple en ce moment dans notre pays – mais alors ce mélange consiste à une mise en commun au bénéfice de tous des avantages  de chacune des cultures.  Et c’est de cette façon que le monde progresse. Alors, en-dehors de la question cruciale des souffrances humaines et des droits de l’Homme, ce que nous désapprouvons totalement avec les méthodes soviétiques c’est le gaspillage criminel des cultures et des civilisations. Parce que l’unité nationale soviétique se créé non pas par une union des civilisations  et des cultures mais par la destruction de toutes les cultures et de toutes les idées à l’exception d’une seule, la  culture soviétique.     


*  Ce texte est une reproduction de l’original typographié retrouvé dans les documents  de Raphaël LEMKIN – Département des manuscrits et archives, Bibliothèque publique de New York , Fondations Astor, Lenox et Tilden, boîte 2, dossier 16. A l’exception d’erreurs typographiques manifestes qui ont été identifiées et corrigées, la terminologie et l’orthographe des noms géographiques utilisées par l’auteur ont été conservées.

 1. Vers de Wolodymyr Sossyura, rajoutés au crayon. Sossyura écrivit ce poème patriotique en 1944, pendant la guerre germano-soviétique. Choyé par les autorités dans un premier temps, il fut condamné pour nationalisme en 1948. Voici les deux lignes en version ukrainienne originale :
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2. « Commencer ici »  rajouté au crayon devant le mot « Ce »
3. Au moment où Lemkin écrivit ce texte (années 50), la population ukrainienne avoisinait les 40 millions de personnes.
4. La Charte créant les Nations Unies fut signée lors de la conférence tenue les 25 et 26 Avril 1945 par les délégués de 50 pays, y compris l’URSS et la RSS d’Ukraine.
5. La Ligne Curzon fut proposée  par les Britanniques pour délimiter la frontière entre la Pologne et l’URSS au sortir de la première Guerre mondiale. Par la suite, elle servit de base à la définition de la frontière entre ces deux états à la fin de la seconde Guerre mondiale. La frontière ainsi définie laissait une importante minorité ukrainienne du côté polonais.
6. LE 28 Mai 1934, le député de New York Hamilton Fish proposa une résolution ( résolution 399 du 73em. Congrès ). LE document stipulait que «  plusieurs millions d’habitants de la République socialiste soviétique d’Ukraine … sont morts de faim entre 1932 et 1933. » La résolution condamnait l’URSS pour « usage de la famine comme arme destinée à diminuer la population ukrainienne et à détruire ses droits politiques, culturels et nationaux » et exigeait :
   Que la Chambre des Représentants exprime son soutien à tous ceux qui ont été victimes  de la grande Famine en Ukraine qui a provoqué  la souffrance, la désolation et la mort  pour des millions de paisibles paysans ukrainiens, …
   Que le gouvernement soviétique prenne des mesures énergiques pour réduire les conséquences terribles de cette famine, …
   Que le gouvernement soviétique ne s’oppose pas aux citoyens américains désireux d’envoyer de l’aide sous forme d’argent, de nourriture et de matériel aux régions d’Ukraine touchées par la famine.
La résolution fut transmise à la Commission des affaires étrangères mais ne fut jamais adoptée par la Chambre des Représentants (cette résolution est reproduite dans The Ukrainian Quaterly n°4 – 1978 – pp. 416-17).
7. Dans la version originale, le nom est écrit « Kossies », une erreur orthographique évidente. Stanislas Kossior n’était pas un auteur mais le Secrétaire général du Comité central du Parti communiste (bolchévique) d’Ukraine, c’est-à-dire le dirigeant politique de la république. Le numéro du 2 Décembre des Izvestiia contient un discours de trois pages de Kossior intitulé «  Les résultats et les tâches immédiates dans la mise en place de la politique nationale en Ukraine. » En voici  très précisément l’un des passages, tiré d’une résolution adoptée lors d’un plénum commun entre le Comité central et le Comité de contrôle central  du Parti (bolchévique) d’Ukraine : «  A l’heure actuelle, le danger principal en Ukraine vient du nationalisme ukrainien, lié à des int&eacu

Le blog en hommage a Léon Chaix

Léon Chaix est un humaniste de gauche qui a donné son nom a un syndrome essentiel a la compréhension de notre temps. Le syndrome de Léon Chaix décrit  la réponse automatique des adeptes du mouvement socialiste confronté a l'ampleur des crimes contre l'humanité commis en son nom :

  1.  L'occultation
  2.  La négation
  3.  La minimisation
  4.  L'exonération.

Tous ceux qui essaient de dénoncer l'occultation,  de démonter la négation,   de se moquer de la minimisation et de rire des tentatives d'exonération  sont évidemment présentés comme < fascistes > et ne sont dignes que des attaques ad hominem les plus basses. 
Léon Chaix et son ami Didier Dufau ont pendant des années commenté en temps réel sur le forum du journal le Monde les exemples de ce syndrome,   montrant  au jour le jour comment il s'appliquait aux révélations du Livre noir, aux crimes des Farc qu'ils furent longtemps les seuls  a évoquer et a condamner, a ceux du sinistre  Mugabe ou de l'ignoble < Prachandra > le tueur en série du Népal.  Le combat continue ici !

 

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