Crimes contre l'humanité et socialisme : les mécanismes de l'exonération.
Les différentes variantes de socialisme violent ont massacré comme on le sait désormais de façon historiquement bien fondée entre 100 et 150 millions de personnes. De l’assassinat politique isolé, au génocide caractérisé, en passant par des multiples facettes du crime contre l’humanité, l’idéologie socialiste fondée sur le marxisme-léninisme a été la source d’inspiration de la pire tuerie que l’histoire de l’humanité a connue, et pourtant il y en eut de sévères.
Et pourtant la France, pour ne parler que d’elle, baigne encore dans une idéologie marxisante extrêmement forte dont témoignent le nombre des candidats trotskistes à la dernière élection présidentielle, le succès médiatique du facteur Besancenot, la permanence d’un mouvement socialiste fort avec les succès électoraux du PS allié à des Verts d’origine d’extrême gauche et au reliquat du PC, le gauchisme affiché d’une partie de l’appareil culturel (enseignement, théâtre, cinéma, journaux), et un syndicalisme hargneux et à l’occasion violent.
Comment, en France, qui se veut le pays des droits de l’homme peuvent coexister ainsi une idéologie socialisante violente qui tient le haut du pavé et entend y rester et l’évidence de crimes effroyables dont les victimes sont en droit d’attendre un « devoir de mémoire » particulièrement vibrant ?
Ne nous y trompons pas. Cette idéologie tient bien le haut du pavé grâce à un terrorisme intellectuel larvé qui a été intégré même dans les couches intellectuelles de droite. Quiconque en France cherche à braver ce terrorisme est aussitôt taxé de « fasciste » et injurié par une cohorte sans cesse renouvelé de braves à trois poils qui croient devoir brandir aussitôt la pancarte du « No Pasaran ». Il suffit d’aller sur le moindre forum pour s’en rendre compte. Même quand il est de gauche non socialiste. Surtout s’il de gauche non socialiste.
L’évidence des crimes commis au nom de l’instauration violente du socialisme devrait pourtant briser le carcan. On ne peut pas vivre avec une idéologie génocidaire en se prétendant l’héritier de Voltaire et de Schoelcher !
Des mécanismes très forts expliquent ce paradoxe. Individuellement et collectivement, la mouvance va s’organiser pour fuir la réalité et la transformer en quelque chose d’acceptable. Le syndrome de Léon Chaix est le principal de ces mécanismes. Il précise que par l’occultation, puis la négation, puis la minimisation, puis l’exonération, le partisan va pouvoir vivre l’inconciliable sans se déjuger.
L’histoire de la couverture de l’histoire criminelle des Farc est absolument exemplaire de ce mécanisme et en donne une illustration tellement frappante qu’on dirait qu’elle n’existe que pour l’édification des observateurs.
Lorsqu’au milieu des années 90 les Farc relancent leur hystérie de crimes contre l’humanité, la première réaction de la presse française est : l’occultation. Rien n’est dit. Du tout. Notamment à gauche. Silence total. Ensuite vient la négation. Lorsqu’un crime trop grave perce la couche d’indifférence intéressée, il va falloir allumer des contre feux : ce n’est pas les Farc mais les AUC, le gouvernement fasciste allié de l’impérialisme yankee ou n’importe quoi. Mais les Farc sont de gentils guérilleros en lute juste contre « le fascisme et l’oligarchie » des Pinochet locaux. La minimisation suit : d’accord les Farc exagèrent mais pas autant que le disent les méchants.
Que faire quand l’évidence du crime est telle qu’on ne puisse plus ni la cacher, ni la nier, ni la minimiser ? Il faut s’en exonérer. Le martyre d’Ingrid Betancourt aura servi au moins à rendre impossible la défense des Farc qui sont désormais bien vus pour ce qu’ils sont : des gibiers de TPI habitués des pires crimes contre l’humanité.
Oh, mais voilà que cela risque de remettre en cause l’idéologie dominante de la classe intellectuelle française. Que faire ? Développer un rideau de fumée permettant d’exonérer le bon, le gentil, le nécessaire socialisme, de toute responsabilité dans ces crimes.
La période donne un exemple formidable de cette défense immunitaire en action. Pour s’en tenir qu’au dernier jour, donnons quelques exemples.
- Le Monde : c’est un mouvement de paysans. Pas de vrais et bons intellectuels socialistes, ces Farc, mais des péquenots abrutis et ignares qui ne comprennent rien à rien. Cet argument nous l’avons relevé une bonne centaine de fois depuis 2002. Il était accrédité par la personnalité de Marulanda, un porc au front bas dont le surnom Tirofiro donnait une idée précise du programme. Seulement voilà, le vrai chef c’était Reyes, formé en Allemagne de l’Est et pur produit du Parti Communiste. Et Cano le nouveau chef a exactement le même profil, lui qui était présenté comme l’idéologue du mouvement et qui défend bec et ongle sa définition de chef communiste.
- Le Figaro : Ce sont des révolutionnaires en peau de lapin. Cette sottise d’Etienne Mougeotte, du Figaro et du Figaro Magazine est analysée par ailleurs sur ce site. On ne sait évidemment pas ce qu’est une révolutionnaire en peau de lapin, et ces lapins là ont tué de façon tellement lourde et avec des moyens tellement hideux, qu’ils ont plutôt la hure de hyènes. Mais si ce ne sont pas des « vrais révolutionnaires de toujours si juste et si bons, il est normal qu’on puisse les critiquer un peu.
- Libération, Le monde Diplomatique et autres : d’accord ce sont des « déviants » mais il faut se souvenir de la justesse de leur cause. L’exonération par la justesse de la cause est une des pires parce qu’on fait tout devient légitime, du moment qu’on est du côté des bons. Bien sûrs il y a des excès mais tellement excusables. Ils ne proviennent jamais de l’idéologie mais seulement de dérives individuelles : Staline, un provincial taré ; Mao, un obsédé sexuel se comportant en mandarin ; Pol Pot, un fou ; Mugabé, un bon garçon saisi sur le tard par le démon des roitelets africains traditionnels.
- En tout cas ces crimes, qu’on déclarera enfin comme abjects (Pagès, le Canard Enchaîné) , ne doivent nous détourner du bon chemin et nous laisser croire que les vrais ennemis ont raison : Uribe reste un fasciste, un bushiste, et une marionette dans les mains des narcotrafiquants et de l’oligarchie. Non mais !
Et voilà : passez muscade. Le militant, le convaincu, qui a besoin de sa foi comme surmoi, a sa ligne de conduite. Il ne concédera rien, il ne changera rien. Sa bonne conscience régénérée par l’exonération il pourra continuer son bon combat au milieu de tombereaux de cadavres et de victimes totalement innocentes, sans que cela ne le touche le moins du monde. Et gare à qui dénoncera cette fiction commode à la quelle se ralliera avec la plus moutonnière bonne volonté la presse de droite.
Pas question de « récupérer » idéologiquement le drame colombien ; pas question de demander un devoir de mémoire ; pas question de souligner l’innocence des victimes. Faisons de la chaleur qui fait vendre autour d’Ingrid et oublions la cause de son martyre et le fait qu’il continue pour des milliers d’autres colombiens.
Oublions que les Farc défilaient le premier mai avec la CGT. Oublions que la LCT les déclarait comme « organisation amie ». Oublions que les altermondialistes anticapitalistes à Porto Allegre les fréquentaient assidument ; oublions que Campesina de José Bové était plus que des compagnons de route des Farc : il citait leur action dans les campagnes comme exemplaire !
On ne va pas risquer de passer pour un fasciste tout de même ou crier la même chanson que les ennemis du peuple.
Et tant pis pour les victimes.
Léon Chaix est un humaniste de gauche qui a donné son nom a un syndrome essentiel a la compréhension de notre temps. Le syndrome de Léon Chaix décrit la réponse automatique des adeptes du mouvement socialiste confronté a l'ampleur des crimes contre l'humanité commis en son nom :
Tous ceux qui essaient de dénoncer l'occultation, de démonter la négation, de se moquer de la minimisation et de rire des tentatives d'exonération sont évidemment présentés comme < fascistes > et ne sont dignes que des attaques ad hominem les plus basses.
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