La lettre qu’aurait du écrire Petrella

J’ai honte et j’accuse !

Aujourd’hui lorsque je vois l’immensité du mal que les Brigades rouges ont fait, les centaines de personnes estimables et le plus souvent désarmées, assassinées lâchement, les milliers de membres de leur famille obligés à subir toute leur vie les conséquences de nos crimes, j’ai honte. Une honte inextinguible. Une honte sans espoir de repos. Une honte qui me détruit au plus profond.

J’ai honte oui, j’ai honte. Honte d’avoir tué pour rien d’autre que des fantasmagories idéologiques qui me sont aujourd’hui incompréhensibles. J’ai honte d’avoir tué gratuitement en me glorifiant moi-même de mon audace alors que je savais au fond de moi dès cette époque que c’était ignoble. J’ai honte d’avoir recruté et dirigé des tueurs sans plus de scrupules que moi. J’ai honte d’avoir déshonoré mes victimes en les couvrant d’injures avant de les tuer  et de n’avoir jamais crié leur innocence profonde. J’ai honte de m’être à ce point trompé sans que l’inconséquence de la jeunesse puisse me servir d’excuses ou de réconfort. 

Dans les flaques de sang parsemées dans tout Rome, on ne voyait aucun avenir, aucun espoir, aucuns lendemains qui chantent.  Elles ont disparu du sol romain mais elles enveloppent mon remord comme elles baignent le désespoir des proches de ceux que nous avons sacrifié par bêtise ardente.

Alors j’accuse.

Je m’accuse d’être passée à l’acte alors que mes raisons me paraissaient déjà incertaines et problématiques  à  l’époque alors que les actes,  eux,  étaient radicaux, expéditifs,  définitifs et sans retour en arrière pour les victimes et leur famille.  J’aurai pu me contrôler. Nous avons tous notre libre arbitre. Je me suis lamentablement  et mortellement trompée.  Oui, je m’accuse !

J’accuse aussi ceux qui ont baigné d’idéologie révolutionnaire  ma jeunesse, ceux qui ont justifié tous les crimes des différentes révolutions, ceux qui ont abaissé mes défenses morales en prétendant que tuer n’était pas assassiner parce que le meurtre d’un tyran et la lutte violente contre une domination violente  sont légitimes.

J’accuse tous ceux qui nous fait croire que nous étions des combattants  alors que nous n’étions que de lâches terroristes tapis dans l’ombre pour tuer des personnes désarmées et sans défense que nous trouvions «symboliques». Nous n’avons pas tué des symboles mais des hommes.

J’accuse tous ceux qui inlassablement diabolisent des ennemis d’autant plus nombreux qu’ils sont du plus grand flou. Haïr la bourgeoisie, puis aller tuer son voisin ! 

J’accuse les communistes, dont les crimes sont ahurissants et qu’on nous a si longtemps présentés comme des purs ! J’accuse les socialistes qui font en permanence un procès en fascisme à tous ceux qui ne partagent pas la doctrine et n’a pas fait sa rupture avec le révolutionnarisme !  J’accuse l’extrême gauche et ses grands prêtres qui amènent tant de jeunes dans le jeu de la mort qu’est une révolution rêvée. 


Je demande qu’un mémorial soit dressé en mémoire aux victimes de tous les crimes contre l’humanité  commis au nom de l’avènement brutal  du socialisme et où mes crimes s’afficheront à leur place, afin que plus jamais il n’y ait de nouvelle Petrella , plus de meurtres lâches, plus de victimes innocentes.

Je sais que si je vais  en prison je mourrais. Après avoir vécu si longtemps les tourments que me valent  la mort inexcusable de mes victimes, j’ai cru réussir à m’échapper dans la paix affreuse que procure l’impunité facile  et la cache peureuse dans une vie terrée et médiocre.

Je sais que je ne pourrai par vivre dans le remugle du passé qui est le mien.   Je crains cette mort à hauteur des morts que j’ai moi-même provoquées. Je suis lâche. Oui je suis lâche ; aussi lâche aujourd’hui que je l’étais à l’époque où j’esquivais toute discussion le jour où je décidais  un meurtre sordide, de dos, contre des personnes sans défense et sur qui la foudre s’abattrait par surprise sans qu’ils puissent même esquisser un geste.   C’est si facile de tuer en démocratie !  

Mais ma mort sera exploitée à charge par mes anciens compagnons de route  qui feront de moi une martyre « de la répression » et instrumentaliseront ma mort pour faire de nouvelles dupes.  Je ne veux pas de cela. 

Je préfère que l’on dise : elle est morte en lâche après une multitude de crimes lâches, protégée en lâche. J'aurai au moins témoigné de la haine et du dégoût que m’inspire ma propre histoire brigadiste ; et j’aurai exprimé  le mépris insurmontable que m’inspire la triste cause que j’ai cru devoir défendre en m’attaquant les armes à la main à des innocents.   

Pardonnez-moi parce que ma mort en prison tant d’années après les faits ne servira nulle bonne cause alors que ma liberté injuste, morose, malade et repentante prouvera contre mes idées d'alors la force bonhomme de la démocratie.

 

Commentaire
Clementine's Gravatar Prisons et de réflexions sur la mort - il est une perte de temps et dépensé de sens la vie. Vous ne le crois pas?
# Posté par Clementine | 14/04/09 10:22
Le blog en hommage a Léon Chaix

Léon Chaix est un humaniste de gauche qui a donné son nom a un syndrome essentiel a la compréhension de notre temps. Le syndrome de Léon Chaix décrit  la réponse automatique des adeptes du mouvement socialiste confronté a l'ampleur des crimes contre l'humanité commis en son nom :

  1.  L'occultation
  2.  La négation
  3.  La minimisation
  4.  L'exonération.

Tous ceux qui essaient de dénoncer l'occultation,  de démonter la négation,   de se moquer de la minimisation et de rire des tentatives d'exonération  sont évidemment présentés comme < fascistes > et ne sont dignes que des attaques ad hominem les plus basses. 
Léon Chaix et son ami Didier Dufau ont pendant des années commenté en temps réel sur le forum du journal le Monde les exemples de ce syndrome,   montrant  au jour le jour comment il s'appliquait aux révélations du Livre noir, aux crimes des Farc qu'ils furent longtemps les seuls  a évoquer et a condamner, a ceux du sinistre  Mugabe ou de l'ignoble < Prachandra > le tueur en série du Népal.  Le combat continue ici !

 

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